Je ne bouge pas, mais il me faut prendre la décision : observer ou capter la beauté de l'oiseau et rapporter le souvenir de ce moment privilégié . Il m'est arrivé de renoncer à la photo, profiter de l'instant présent sans déranger, on y gagne en connaissances de l'animal tout près de soi, invité dans son habitat à lui, mais cette fois, car le hibou ne se croise pas tous les jours, je déclenche.

Le hibou me regarde, je le vois de très près dans mon viseur, la magie opère, une seconde d'hésitation, puis tout reprend sa place , la technique, la maitrise de l'événement, la rencontre a lieu, les yeux dans les yeux..

La notion de temps diffère dans ce face à face avec une espèce comme le hibou, justement chez le hibou, la face porte les 2 yeux comme pour un visage humain, habituellement les oiseaux nous voient avec un seul œil , rarement ainsi. Le hibou possède bien sûr une acuité visuelle hors norme dans le règne animal, il m'a vu depuis longtemps et pourtant s'est posé très près, a pris le temps de m'observer.

Un avantage quand on est photographe, l'appareil photo permet aussi de se "cacher" derrière, l'oiseau ne voit qu'un "cyclope", un œil unique ne distingue pas l'être humain. Je m'offre un instant rare, le hibou me voit clairement, je délaisse mon viseur et regarde franchement l'oiseau, à l'œil nu . Le hibou comprend, mais ne se hâte pas, il bouge un peu sur sa branche, jette un coup de son œil orange profond sur la piste qu'il va emprunter dans les airs à travers le branchage et repère déjà la prochaine branche réceptrice. 

Sans bruit, il prend son envol, je vois ses ailes, ses flancs délicats, duveteux, puis le haut des pattes emplumées, enfin les pattes terminées par des crochets impressionnants et enfin les rectrices ... ne restait sur cette branche que le souvenir des yeux orange de cet hôte silencieux et délicat.